Monsieur le Vice-Président de la Cour de Cassation,
Monsieur le Doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince,
Messieurs les représentants des Ambassades de la Suisse et de France,
Monsieur le Doyen de l’Université de la fondation Aristide, UNIFA,
Monsieur le représentant de l’AUF,
Honorables membres du jury de cette 5ème édition du Concours,
Cher public, au sein duquel nous pouvons noter la présence de plusieurs participants et participantes de cette édition et des éditions passées, notamment le lauréat de la 2ème édition du Concours, Me Makenson ALABRE, et la lauréate en titre de la 4ème édition du Concours, Mme Esther GREGOIRE,
Ainsi se clôture cette 5ème édition du Concours de plaidoirie sur les droits humains.
C’est un très beau parcours pour ces quatre étudiant et étudiantes en droit qui nous ont offerts de grands débats : Rose Lumane SAINT-JEAN, lauréate, Stepherly M. PAILLANT, Finaliste, Caleb LEFEVRE et Yveline SAINTIDOR, demi-finalistes.
En les regardant, je repense à l’émotion suscitée par la première édition, organisée il y a maintenant plus de 5 ans. Cette émotion a été fondatrice de l’énergie qui nous anime depuis.
Lors de ce premier Concours, nous avions donné comme sujet de la présélection écrite : « le rôle des avocats dans le renforcement de l’Etat de droit ». C’était exactement la question qui nous portait, comme professionnels du droit, dans notre volonté de tracer un trait d’union entre la société civile et le monde judiciaire, entre le droit et les droits humains.
Le Concours a alimenté, années après années, cette envie de construire une dynamique durable, profonde, ancrée dans l’accompagnement d’une relève qui, pas-à-pas, pourra, peut-être, construire un autre chemin pour la justice de ce pays.
Depuis, choqués par la réalité que nous confrontions chaque jour dans nos programmes d’assistance légale, nous avons abordé « la détention préventive prolongée » et encore « la responsabilité de l’Etat dans les décès en prison ».
L’année passée, nous nous sommes fait l’écho de la mobilisation citoyenne en demandant aux étudiants de réfléchir à la problématique de « la poursuite des faits de corruption ». Un sujet qui reste malheureusement à ce jour sans réponse.
La question qui s’est imposée à nous pour la phase écrite de cette édition est : « Haïti est-il un Etat de droit ? »
Du renforcement à la remise en cause de l’existence même de l’institution, la régression est impressionnante. Tout juste pouvions-nous encore argumenter lors du lancement du concours, il y a près de 9 mois, que la dissertation méritait sans doute un plan binaire, contenant –peut-être- autant de contre que de pour.
Mais depuis ? Pouvons-nous encore dire que nous sommes dans un Etat de droit ? Où se trouvent alors la séparation des pouvoirs, la représentation populaire, le respect de la constitution, la hiérarchie des normes, la soumission de la puissance publique au droit ?
Que dire alors de ces insoutenables massacres qui s’exposent désormais au grand jour, sans que rien ne se passe pour les empêcher, pour les arrêter, pour sauver et accompagner les centaines, les milliers de victimes anonymes qui n’ont plus rien, et à qui l’on accorde à peine un souffle de « mounité » ?
J’écoutais les avocats du BDHH revenir du Tribunal. Ils s’exclamaient : « mais il faudrait renommer l’endroit : boite de corruption » !
Avant-hier, une petite fille de 12 ans a été violée. L’homme de 60 ans, surpris en flagrant délit, a été arrêté sur les lieux. Son dossier a été confié à une substitut Commissaire du gouvernement, qui nous a assuré qu’elle allait transmettre le dossier au cabinet d’instruction. Mais l’homme a été libéré. C’est son avocat même qui est venu faire un scandale devant le Bureau de la Magistrate, en lui reprochant d’avoir accepté sans même lui en parler les 3000 dollars envoyés par un proche de la famille.
Alors que le Ministre de la Justice a annoncé une nouvelle « action coup de poing », encore nommée « San prann soufl », personne ne se soucie de la nouvelle grève des greffiers, qui paralyse à nouveau le système. D’ailleurs, si l’on y réfléchit, la justice a-t-elle vraiment fonctionné, même un mois, durant cette année écoulée ?
Mais la justice peut-elle fonctionner dans ce Palais de justice déserté, inapproprié, dont l’entrée, jonchée d’immondices, est située au cœur d’un foyer d’insécurité ?
La solution est-elle pour autant d’aller réfugier la Cour d’appel dans une petite maison privée… ?
La solution est-elle dans cette réforme constitutionnelle annoncée à marche forcée ? …
Je voudrais à nouveau remercier les participant-e-s de cette 5ème édition du Concours.
Les 100 candidat-e-s, les 50 qualifiés, les 4 qui sont parvenus jusqu’à cette phase finale.
Vous représentez, vous et ceux et celles qui vous ont supporté, accompagné durant toute cette aventure et qui n’ont malheureusement pas pu nous suivre ici aujourd’hui, l’avenir.
Alors, Rose Lumane, il est temps maintenant de vous confier la parole.