Discours de la Secrétaire générale à l’occasion de la finale de la 2ème édition du Concours

 

En septembre, le Commissaire du Gouvernement Près le Parquet du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince procédait à l’enterrement de 8 détenus décédés. La semaine passée, une vingtaine d’autres ont été enterrés. Plus de dix cadavres attendent encore. Sans compter les autres… De quoi sont-ils morts? De l’aveu même des autorités, de malnutrition, de mauvais traitements, de manque d’hygiène, de défaut de soins. Au XXIème siècle, la tuberculose fait des ravages dans les geôles haïtiennes. Les conditions de détention sont insupportables, inhumaines, dégradantes. En septembre, une équipe de journalistes anglais de la chaine CHANNEL 4 a réalisé un reportage au Pénitencier national. Les images qu’ils ont filmées sont révoltantes. Elles ont révolté les millions de personnes qui ont pu visionner le film à travers le monde. Mais ici, en Haïti, à quelques mètres du pénitencier, on en entend à peine parler. On enterre par dizaine sans sourciller. Intimement lié au système carcéral, le système judiciaire est lui même en état de décrépitude. La détention préventive prolongée est devenue la règle. L’équation d’une justice de classe qui enferme les pauvres et les déshérités sans même avoir besoin de les juger. Sans même se poser la question de leur culpabilité. Ils sont des milliers à être oubliés, dans un univers sans limite, sans délai, sans recours. Un monde où se conjugue injustice et arbitraire. Le Bureau des Droits Humains en Haïti se bat depuis sa création pour les sortir de l’oubli. Pour permettre à ces personnes détenues depuis 5, 7, 9, parfois 11 ans sans être jugées de pouvoir enfin être confrontées à la justice, d’obtenir justice. Depuis la mise en place de notre programme d’assistance légale, près de cinquante personnes ont été libérées. Vous pouvez apercevoir certains de leur portrait sur les murs de ce Palais de justice. « La détention préventive prolongée dans le système judiciaire haïtien ». Il s’agit exactement du thème qui a été donné aux étudiant-e-s pour les présélections écrites du Concours cette année. Car nous sommes persuadés qu’il faut, que nous pouvons lutter contre cet oubli massif, cette injustice de masse. Et la première des armes pour des professionnel-le-s du droit est la parole. C’est cette arme que nous souhaitons partager, propager. Ce sont ces jeunes qui forment l’espoir, l’espoir d’une nouvelle génération des professionnel-le-s du droit qui pourrait faire la différence. Mobiliser le système judiciaire pour prouver qu’il est encore possible de parler de justice dans ce pays. Je tiens personnellement à féliciter tous ceux qui ont participé à cette belle aventure, les finalistes, mais aussi les 32 candidat-e-s présélectionnés qui ont soulevé notre admiration ces dernières semaines. Je tiens à les encourager à poursuivre sur cette voie de l’engagement et de l’excellence.

Pauline LECARPENTIER

« Alabré Mackenson et Rose Mina Pierrin Noël, gagnants du concours de plaidoirie du BDHH », article de Winie H. Gabriel Duvil dans LE NOUVELLISTE le 9 février 2017 : https://lenouvelliste.com/article/168235/alabre-mackenson-et-rose-mina-pierrin-noel-gagnants-du-concours-de-plaidoirie-du-bdhh